L'IMAGE DANS L'ENSEIGNEMENT COLLEGIAL MAROCAIN

 

 

INTRODUCTION

Comme nous pouvons le constater, l’image est partout et nous entoure de toutes parts. Elle est devenue un moyen d’expression, de communication et de loisir les plus importants de notre temps, à tel point qu’on parle de « civilisation de l’image », ou encore de « planète image ». Regarder, c’est constituer l’autre en image.

 En effet, l’image est la mémoire du regard. Elle se caractérise à la fois par un point de vue du sujet et par un mouvement ou une intention dotée d’une intensité ou encore d’une durée.

De ce fait, l’image comme tout message, offre à l’interprétation, en plus de son contenu référentiel, l’acte de l’énonciation. Quelle que soit sa nature (dessin, peinture, photographie, une page de bande dessinée, affiche publicitaire…), l’image entre dans l’enseignement de l’élève et elle présente dans le programme de nombreuses activités. Elle a sa place dans les principaux objectifs de l’enseignement :

Épanouissement de la personnalité.

Acquisition d’une culture.

Développement de l’esprit critique…

Le but du travail que nous allons aborder, concernant des pratiques de lecture et des activités orales ainsi que d’écriture, il met en cause un principe particulièrement significatif : comment pourrait-on exploiter l’image en situation pédagogique, et notamment, au niveau de l’enseignement collégial ?

À ce stade, notre projet s’articule autour de deux volets distincts :

Le premier volet aborde la notion de l’image, où nous allons présenter le rapport image/texte et la relation image/communication, et également le rapport image/apprenant.

Le deuxième volet traite plus volontiers l’étude et l’analyse de quelques images pertinentes en situation pédagogique.   

 

 1. Qu’est-ce que l’image ?

Afin d’élucider notre objectif, nous souhaitons s’arrêter un instant sur la notion même de l’image. Celle-ci est un message visuel, qui est perçu globalement. Comme elle semble reproduire le réel, elle donne une impression de vérité qui peut être dangereuse si elle est utilisée à des fins manipulatrices. Aussi, elle constitue un ensemble de signes qu’il s’agit de décoder. À cet égard, l’image est plus polysémique que la langue écrite car elle peut avoir de nombreuses significations ; elle est de surcroît, subjective puisque chacun peut l’interpréter à sa manière.

En ce sens, pour parler d’une image, on peut la regarder comme un objet cela permet d’en décrire la géométrie. On peut également la percevoir comme un signe où l’image renvoie le « regardant » à la réalité qu’elle signifie. Ses aspects sémiologiques concernent les codes sociaux, les connotations, les références culturelles et symboliques, etc.

Donc, toute image exprime une certaine conception de la représentation du réel ; elle s’inscrit dans un courant artistique, et plus précisément dans l’histoire de l’art.

2. L’image/communication :

Objet et signe, l’image ne prend son sens que par l’œil d’un « regardant ». Entre eux une relation particulière s’établit.

L’identification primaire, technique, fait que le spectateur devient l’œil de l’objectif ou du dessinateur, oublie la médiation réalisée. Il est, par conséquent, intéressant d’étudier l’effet de réel produit par une image (réalisme, abstrait, …).

L’identification secondaire à un personnage ou à une situation est la preuve d’une participation active. Elle peut être encouragée par certains procédés ainsi, le point de vue frontal (les yeux dans les yeux), possède une force perspective puissante.   

On parle de projection lorsque le spectateur se focalise individuellement sur un personnage, une scène, un élément de situation, y trouvant une occasion d’extériorité, une préoccupation personnelle (en ce sens, parler d’une image, c’est autant parler de soi que de ce qui est représenté). On peut donc, devant chaque image, s’interroger sur la façon dont elle interpelle le « regardant ». Chaque image propose un moment d’un récit que le spectateur est invité à reconstruire en imaginant une situation initiale et une situation finale. D’ailleurs, le temps (époque et durée) y est représenté, au même titre que l’espace, de multiples façons.

 

3. L’image/texte :

On peut s’interroger sur la relation entre l'image et le texte (titre, légende, …) qui exerce tantôt une fonction d’ancrage lorsqu’il impose parmi la masse de significations possibles, un sens unique de lecture, tantôt une fonction de relais lorsqu’il apporte ce que l’image ne dit pas. Parfois le texte est décalé par rapport à l’image, il acquiert à ce moment une valeur poétique et incite le lecteur à un effort d’imagination.

4. L’image/apprenant :

L’apprenant arrive à l’école avec ses propres pratiques culturelles, des savoirs sur l’image, acquis dans la famille, dans son milieu social, dans d’autres institutions éducatives. Le problème sera de se demander si l’école tient compte de tout ce que l’élève connaît et sait déjà faire des pratiques culturelles familiales. Souvent, on oublie que des recherches en psychologie et sociologie permettent de mieux connaître les compétences, selon les milieux socioculturels d’origine, acquises grâce à l’image.

L’éducation à l’image se fait selon deux modes, celui de la réception et celui de la production (on estime que c’est en produisant que l’on apprend  à maîtriser l’image). Les situations de réception sont, bien entendu, les plus fréquentes. Les élèves sont consommateurs d’images que producteurs. L’éducation à l’image n’a d’ailleurs pas pour objectif de former des spécialistes, mais d’aider les élèves à devenir des utilisateurs critiques et avertis.

 1.    Analyse de quelques images pertinentes en situation pédagogique :

 

             Image 1

 

 S’articulant autour de la sécheresse, cette image illustre la gravité de la situation au Kenya. Il s’agit d’une image horizontale, en couleurs ; le photographe a opté pour une vitesse de fermeture causant une légère surexposition. Cela n’est pas gratuit ; il a fait sortir le contraste des couleurs qui sont très vives. Ainsi, nous avons la dominance de la couleur orange du sable, couleur chaude de la terre et de la couleur bleue du ciel (couleur qualifiée de froide).

Dans cette image, le photographe a respecté les règles des trois tiers ; il a attribué deux tiers à l’espace terrestre et un tiers à l’espace céleste. Ainsi dans l’espace terrestre, nous constatons qu’il s’agit d’un désert, d’un champ où apparaissent les marques de la sécheresse.

Au premier tiers se dresse trois cadavres d’animaux desséchés, trois charognes qui n’ont pas résisté à la soif. Juste à côté - à gauche -  un homme se dresse debout devant les charognes. Il est à première vue traditionnellement habillé mais il faut remarquer qu’il porte une veste relevant de la modernité. Un berger malheureux, vu qu’il a perdu « son capital », ses vaches. Il n’a plus rien à faire que de prier, chose qui est effectivement soulignée son regard vers le lointain. Le seul espoir qui lui reste est que les quelques nuages qui passent porteraient prochainement les pluies attendues.

Au deuxième tiers de l’espace terrestre se dresse un champ d’arbustes secs et de bois morts, quelques arbres n’ont pas encore tout a fait perdu leurs couleurs vertes ; ils résistent encore.

Le troisième tiers est réservé au ciel : l’image respire, il s’agit d’un ciel bleu avec le passage de quelques nuages blancs et même légèrement gris, ce qui diminue les chances d’une averse. Cette image est accompagnée d’une légende, qui ne fait qu’illustrer le contenu de l’image : « Kenya : partout des charognes. Même si la sécheresse cesse, il faudra des années pour sortir de la crise. » Ainsi cette légende décrit la situation en montrant sa gravité.

Le tiers donné au ciel est vraiment mérité, vu son rôle décisif ; il reste un horizon d’espoir. Il peut à tout moment verser ses larmes sur le sort de cet homme. Un homme qui représente une population qui n’a rien d’autre que de prier Dieu, en espérant que la pluie tombe avant qu’il ne soit trop tard, avant qu’il ne se transforme, lui aussi en cadavre.

 Il s’agit d’une image fondée sur les contrastes, lesquels ne font que mettre l’accent sur la chronique de la situation. De ce fait, nous avons plusieurs types de contrastes : un contraste de couleur entre l’orange chaud et le bleu froid, entre les arbustes verts et ce qui est sec, un contraste entre le berger et les charognes et un autre entre la persistance de la mort et la volonté de vivre, la résistance au sort.

Cette représentation iconique n’est plus qu’un appel de secours, qu’une demande d’aide céleste, d’aides extérieures, une image parlante, comme si elle nous disait : « Remuez-vous, bougez, faites quelque chose pour ces gens là ! ».

 

  Image 2

   

Traitant le même thème de la sécheresse, sous une autre forme, cette image montre encore une fois les effets de la sécheresse. Elle interpelle les esprits et met l’accent sur l’importance de l’eau et les graves conséquences de son manque.

C’est une image en couleurs, de forme carrée, le fait qu’elle est complètement plongée (elle tend à rapetisser un personnage ou un objet) fait disparaître l’espace céleste. Dans cette image le photographe a accordé une grande importance au sol, à la terre d’où la prédominance de la couleur marron. Ce qui attire le regard ce sont deux personnages particulièrement révélateurs. Ainsi nous pouvons voir une fille vêtue de rouge, un signe de danger. Elle porte sur la tête une jarre. Plus précisément, elle part à la recherche de l’eau.

L’image montre également un enfant d’environ quatre ans, pieds nus, il est lui aussi misérablement habillé. Nous remarquons qu’il s’attache à sa sœur par le geste de la main. Juste à côté, de profondes fissures  sont nettement visibles, ce qui montre que la nature s’est dangereusement dégradée à cause de la sécheresse.

Notons, au passage, que l’image est accompagnée d’une légende : « Dans cette région de malnutrition chronique, les enfants sont menacés de mourir de soif ».

Nous pouvons donc relever une complémentarité entre l’image et le texte. La légende porte ainsi un éclairage susceptible de développer l’idée transmise par le message iconique. Dans cette image où on a accordé une extrême importance à la terre, ce qui saute aux yeux ce sont surtout la jeune fille et son petit frère. Ainsi, si nous fixons le regard sur ces jeunes personnes nous pourrons dégager des significations plus intimes : le geste évocateur de l’enfant exprimant son attachement à sa sœur, traduit de façon similaire le lien profond noué entre l’homme et la terre. Par conséquent, l’enfant renvoie à l’homme confronté à une situation critique, alors que la jeune fille représente symboliquement la terre.

Nous pouvons quand même dire que l’image donne une lueur d’espoir, un air de solidarité dans la mesure où la fille protectrice cherche de l’eau pour sortir de cette situation. Malgré la crise, il y a une sorte de solidarité et d’amour qui se dégage de la photographie; cela à travers le lien solide entre la jeune fille et le petit garçon. En dépit de la rareté d’eau, l’homme reste donc lié à la terre car cette relation réciproque de fraternité et de familiarité dépasse toutes les crises.

 En somme, les deux images que nous venons d’étudier, traitent, comme nous l’avons vu, la sécheresse en tant que chronique à graves effets. On peut regrouper ces images sous un titre générique : «  Les naufragés de la soif ».

Nous avons affaire à une oxymore d’où le mot « Naufragés » révèle la présence de l’eau alors que « la soif » interpelle son absence. À cet effet, l’état catastrophique des gens (naufragés) souffrant du manque d’eau (soif) nous a été livré sous l’angle des contradictions.

D’une part les contradictions linguistiques exprimées sous forme oxymorique et d’autre part les contradictions iconiques entre les couleurs chaudes et les couleurs froides, entre la vie et la mort, etc. ne font qu’accentuer la gravité du phénomène.

 2. Exploitation pédagogique des images :

Une lecture de ce type a plus d’intérêt pour l’élève. Elle permet tout d’abord de mettre en évidence la différence entre les processus descriptifs et interprétatif qui permettent le passage de l’observation à l’analyse, de la compréhension à l’interprétation. Ensuite, elle rend possible l’identification des valeurs sociales, des fragments d’idéologie. Il sera possible à cette occasion, de montrer l’importance des aspects formels de l’image pour l’élaboration du sens (rôle de la mise en scène, des décors, des personnages et des objets représentés, fonction du cadrage, des couleurs, etc. On sera attentif à la façon dont l’image « nous parle » ; la façon dont le photographe interpelle ses « lecteurs » par des jeux de regards « les yeux dans les yeux », par des gestes, des mimiques…)

On pourra aussi faire apparaître la relativité du sens de l’image en fonction des différents publics, de leurs caractéristiques sociales, religieuse, culturelles, etc. La notion de polysémie de l’image (le fait qu’elle ait plus d’un sens), pourra dès lors être mieux comprise : Une image est polysémique parce qu’elle fait l’objet de lectures multiples. On rappellera, alors, la notion d’ancrage dans la réalité ; le sens d’une image est déterminé par le texte qui l’accompagne et qui orientant notre lecture, réduit autant sa polysémie. C’est l’occasion rêvée pour analyser le rapport entre l’image et son texte, entre l’image et sa légende. On pourrait encore montrer que l’image et les mots de la langue, qui ne possèdent pas les mêmes formes d’expression, ne signifient donc pas les mêmes choses.

Afin de clarifier l’exploitation pédagogique de l’image, nous extrairons des propositions pédagogiques répondant à ce souci d’apprentissage de l’image.

Il s’agit des images en faveur des grandes causes : la sécheresse, l’importance de l’eau. Ces supports iconiques ont été sélectionnés pour leur intérêt thématique et leur originalité. Ils peuvent servir d’instruments d’apprentissage ou de tests d’évaluation qui pourraient ainsi être abordé suivant des étapes indispensables :

  Premièrement, une activité de compréhension et de production orale, où il convient de visionner une première fois les images et de demander aux élèves de décrire oralement ce qu’ils voient (la nature du visuel, la présentation matérielle, les formes, les couleurs et leurs relations, la lumière, les directions, les volumes, les dimensions, la légende et le texte écrit et leur rapport avec l’image,…)

Il s’agit d’étudier la dénotation de l’image qui conduit à décrire ce que le support iconique montre concrètement, de mettre en évidence le message littéral. Ensuite, l’étude de la connotation qui consiste à interpréter ce que le message suggère. Il s’agit d’appréhender la portée symbolique de l’image.

Deuxièmement, on organisera une activité de compréhension et de production écrite où l’on demandera aux élèves de résumer le thème en question. Enfin, de transcrire ce qu’ils ont dit sous forme d’un commentaire de l’image. 

            

  CONCLUSION

 

           Au terme de cette modeste contribution à ce projet d’écriture, il nous est difficile d’en faire une conclusion décisive. Nous allons donc revenir sur l’ensemble de cette étude pour essayer d’en rappeler un certain nombre de conclusions :

L’image est donc le produit d’un processus de construction entre différents types de codages culturels, artistique, etc. Elle est considérée comme une imitation parfaite de la réalité ainsi chacun peut l’interpréter à sa manière. Si l’on veut comprendre l’image et s’exprimer à travers elle, il est utile, voire indispensable de :

maîtriser un certain nombre de termes et de notions qui rendent compte de ses spécificités.

connaître les modalités de réalisation des produits audio-visuels.

comprendre le fonctionnement de la transmission et de la réception des messages iconiques.

          Dans l’image la substance et la réalité, alors, quelle différence y a-t-il entre le langage de l’image et le langage naturel ? Quelle est donc la pertinence de l’image ? Enfin y a-t-il une syntaxe ou une morphologie inhérente à la photographie ?

 

         BIBLIOGRAPHIE

 

Jean chevalier, Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Bouquins, août, 1991

 

 

 SITOGRAPHIE

 

 

http://users.skynet.be/fralica/refer/theorie/theocom/lecture/lirimage/imagfix.htm

 

http://pedagene.creteil.iufm.fr/ressources/image/index.htm

 

 

 
 
 
 
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